"Le management, (anti)héros de séries ?". Date limite de soumission : 15 juillet 2025.
Date limite d’envoi des manuscrits : 15 juillet 2025
En 2023, un épisode de la série Succession (Armstrong, 2018-2023) montre un licenciement collectif effectué en visioconférence, écho fictionnel des pratiques de gestion du personnel parfois en vigueur dans la Silicon Valley – comment ne pas penser au limogeage de la moitié des effectifs de la plateforme Twitter (X, désormais) par Elon Musk en novembre 2022 ? Ce lien entre comportement organisationnel et séries télévisées est au cœur de cet appel à contributions pour un cahier spécial de la revue Management & Avenir.
Le management, dans ses différentes dimensions, a inspiré de nombreuses fictions, dans des registres aussi différents que le roman, le cinéma, la bande dessinée, le théâtre ou encore les séries télévisées. Du Bonheur des Dames (Zola, 1883), qui dévoile le fonctionnement des grands magasins, à On the Waterfront (Kazan, 1954) qui met en scène les enjeux du marché du travail, en passant par Largo Winch (Van Hamme, 1990), qui dissèque les mécanismes financiers en bande dessinée, ou La Grande et Fabuleuse Histoire du commerce (Pommerat, 2012) qui met en scène la perte de sens dans l’acte de vente, les exemples sont innombrables. Dans le sens inverse, les fictions littéraires ou audiovisuelles ont été de longue date largement mobilisées comme support illustratif pour l’enseignement de la gestion, comme la mobilisation de The Godfather sur les questions éthiques (Champoux, 1999), ou pour des travaux de recherche, comme l’usage que fait Karl Weick (1990) du poème de Miroslav Holub Brief Thoughts on Maps (1977).
Mais, au-delà de son emploi anecdotique en guise d’exemple, la fiction peut être l’objet même de la recherche ou lui fournir son matériau. Cette possibilité a été largement éprouvée par la recherche en sciences de gestion (Rhodes & Brown, 2005 ; Beer, 2016 ; Savage, Cornelissen & Franck, 2018) et a été au cœur de deux numéros spéciaux consécutifs de la Revue Française de Gestion (Julliot, Lenglet & Rouquet, 2022a, 2022b) qui ambitionnaient notamment d’utiliser les œuvres de fiction pour renouveler les théories de l’action collective. Et nombre d’autres champs académiques, comme l’histoire (Knutsen, 2016), la géographie (Denmat, 2021), l’économie (Sexton, 2006), le droit (Rapping, 2003), la géopolitique (Saunders, 2017) ou encore la philosophie (Laugier, 2022) ont eu recours à la fiction, que ce soit pour la recherche ou la pédagogie.
Si ce cahier thématique s’inscrit dans la lignée de ces travaux, il prend acte d’un bouleversement culturel majeur survenu depuis 2013, avec l’arrivée des plateformes de diffusion et des sites de visionnage (légaux ou non) : l’essor des séries télévisées. Certes, elles ne sont pas une création artistique récente, reprenant les principes narratifs du feuilleton – utilisés d’abord par le roman et la presse (dès le XIXe siècle), puis par le cinéma et la radio –, et elles ont connu de grandes phases de popularité : les années 1960-1970 et les années 1990-2000, dont les créations ont marqué l’imaginaire collectif, de Columbo (1968-1978) et Le Prisonnier (1967) à Friends (1997-2004) et Les Sopranos (1999-2007). Pour autant, l’engouement social que ces séries connaissent depuis dix ans constitue un phénomène de société que l’on ne peut ignorer (Dessinges et Perticoz, 2019). Financièrement et techniquement accessible, le streaming se généralise, entraînant des comportements excessifs comme le
« binge watching », c’est-à-dire l’ingurgitation rapide de tous les épisodes, une frénésie rendue possible par les fonctionnalités des sites fournisseurs (Schweidel et Moe, 2016). Tous les spectateurs s’y plient, même si c’est à regret pour certains (Feiereisen et al., 2019). Cette modalité de la fiction qui, aujourd’hui, supplante toutes les autres par l’ampleur de sa consommation et la variété de sa production, ne peut rester ignorée de la recherche en management.
En effet, les séries sont regardées par les étudiants en management, leurs enseignants et les jeunes cadres et consultants. Elles animent leurs conversations, que ce soit par des visionnages collectifs ou des commentaires en direct sur les réseaux sociaux. Ces caractéristiques renforcent la manière dont les séries impriment leur marque sur l’imaginaire collectif, en particulier en entreprise. Les collègues, supérieurs et subalternes, se confondent avec les personnages des séries visionnées la veille ; les solutions miracles ou les dérives dénoncées à l’écran résonnent dans les couloirs des grands groupes ou des écoles de commerce… Il semble impossible de comprendre ce qui constitue l’essence des séries télévisées sans analyser comment la fiction sérielle est à la fois le reflet et la source de dynamiques au sein des organisations. La production sérielle peut être donc vue comme un miroir du management qui en est le résultat et l’inspiration narrative (Edey Gamassou, 2024). Pour appréhender pleinement le contenu et la réception des séries, tout comme leur impact sur la vie professionnelle, il est crucial de saisir leur processus de production. Il est en particulier des plus pertinents de se demander comment les producteurs et créateurs parviennent à concilier la conception de programmes attrayants sous forme sérielle avec les réalités de la production. Cette réflexion conduit également à examiner les conditions dans lesquelles ces objets culturels sériels sont créés, soulevant des questions sur l’industrie qui les façonne.
Dès lors, postulant que le lien entre gestion et séries télévisées mérite d’être questionné, ce projet de cahier thématique pour Management & Avenir s’interroge sur ce que peuvent apprendre les organisations des séries télévisées, autant dans la fiction qu’elles proposent que dans les modalités de leur conception et/ou de leur existence (Gaudreault et Jost, 2017 ; Jullier et Laborde, 2024). Cela ouvre plusieurs questions de recherche.
À quelles conditions les organisations peuvent-elles apprendre des séries télévisées ? Philips (1995) souligne l’intérêt de la fiction comme heuristique pour produire de la connaissance utile aux organisations tandis que nombreuses sont les recherches qui s’inspirent de cet objet artistique (Holstein & Rantakari, 2023). Dès lors, comment articuler ce projet de construction de connaissances avec les exigences scientifiques et académiques ? En particulier, un chercheur peut-il mener une carrière légitime en travaillant sur cet objet ? Peut-on produire des connaissances sur le management qui soient utiles aux organisations et aux acteurs en situation (Hällgren & Buchanan, 2020 ; Holt & Zundel, 2014) ? Auprès de qui (décideurs, activistes) cela peut-il créer de la valeur ? Au niveau individuel comme au plan collectif, par exemple pour appréhender les effets d’une réforme managériale (Domin, 2024) ?
D’un autre côté, la fiction a souvent été utilisée pour faire de la prospective et dessiner des futurs ou des présents souhaitables ou, au contraire, rebutants voire menaçants. La fiction sérielle par le temps qu’elle consacre à décrire les univers dans lesquels elle se déploie permet d’envisager des dispositifs managériaux et organisationnels inédits qui pourront être mobilisés ou non par des organisations réelles (Damart et Adam-Ledunois, 2019 ; Roussie, Adam-Ledunois et Denis-Rémis, 2024).
Abondamment regardées par les étudiants (et leurs enseignants !), les séries télévisées peuvent constituer un moyen de faire entrer une forme de réel dans la salle de classe (Quain et al., 2018) et peut- être ainsi constituer une réponse à Mintzberg (2004) jugeant que la formation des managers tend à être conçue de manière trop scientifique au détriment de la sensibilité artistique (en tant que pratique et en tant que vision). Mais peut-on (bien) enseigner le management à partir de séries télévisées ? Par exemple, tirer des leçons du personnage de Franck Underwood dans la série House of Cards (Pezé & Théron, 2017) nous entraîne-t-il nécessairement à fabriquer des futurs managers manipulateurs et cyniques ? Quid de la formation continue ou de ce que peut mettre en œuvre un manager construisant ses représentations et ses actions en rapport avec son propre visionnage ? Cet usage pédagogique riche de potentialités (Agogué et Sardais, 2019 ; Martin et Tellier, 2022 ; Ruiz, 2024) est-il fragilisé par une consommation de série intensive mais éphémère et sans mémoire (Le Goff, 2024) ? À vouloir séduire le public des apprenants (étudiants, lecteurs), le risque existe aussi de procéder de façon extensive, et de voir du management partout, tout le temps (Aubert et Meyronin, 2020)…
Qu’est-ce que la fabrique des séries télé, aujourd’hui ? Quels formats de production sérielle sont adoptés (nombre d’épisodes ou de saisons) et cela permet-il de satisfaire les distributeurs constamment en quête de nouveauté comme les consommateurs saturés par une offre pléthorique ? Les réalisateurs, techniciens, acteurs mais aussi les auteurs (scénaristes, dialoguistes, etc.) sont soumis à une exigence de performance quantitative et qualitative, et certains studios s’inspirent des modèles de l’ère numérique – des VTC aux livreurs – pour disposer d’une main-d’œuvre renouvelable, rétribuée à la tâche. Dans le même temps, l’industrialisation des processus de création conduit les établissements de formation à modeler des diplômés interchangeables, tous capables de produire des scénarios avec le même savoir- faire, dupliqué de façon stéréotypée. Ces pratiques constituent-elles un modèle à suivre pour les organisations traditionnelles (Hadida et al., 2021) ? Comment cela impacte-t-il en retour le contenu des fictions sérielles ?
Enfin, s’intéresser aux séries comme objet de consommation, c’est aussi porter un regard sur leur réception en s’interrogeant par exemple sur la création de communautés de fans (Hills, 2002 ; Santo, 2018) et la manière dont ils s’organisent, achètent des produits dérivés, voire s’opposent aux studios. On peut ainsi penser à la série Veronica Mars qui a ainsi bénéficié d’un financement de la part de ses fans (Hills, 2015). Regarder des séries est devenu un phénomène culturel majeur et si certains le font sur leur lieu de travail avec des conséquences néfastes quand ils se font attraper par leur hiérarchie (Nair, 2021), d’autres évoquent largement le sujet pendant les pauses sur leur lieu de travail : avec quels impacts ? Quelles sont les séries qu’il faut avoir vues ? Qu’il faut évoquer ? La culture sérielle forme-t- elle un nouveau sous-texte du quotidien en entreprise, par des références, des allusions, des citations ? Cette sociologie de la consommation conduit-elle finalement à un accroissement du cynisme en entreprise ou, à l’inverse, à une prise de recul, un travail réflexif (Grimand, 2009 ; Giordano et al., 2025) et une mise à distance salvatrice, dont Severance (Erickson, 2022-2024) pourrait être une forme de prototype ?
Références
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Marine AGOGUÉ, HEC Montréal.
Faouzi BENSEBAA, CEROS, Université Paris-Nanterre.
Hugo CLÉMOT, LISAA (Littérature, Savoirs et Arts), Université Gustave Eiffel.
Florent GIORDANO, CRIEG équipe REGARDS, Université de Reims Champagne-Ardenne. Aurélia HEURTEUX, CRIEG équipe REGARDS, Université de Reims Champagne-Ardenne. Joan LE GOFF, IRG, Université Paris-Est Créteil (dir.)
Sophie RENAULT, VALLOREM, Université d’Orléans Mathias SZPIRGLAS, IRG, Université Gustave Eiffel.
Yoann BAZIN, CEROS, Université Paris-Nanterre. Mathias BÉJEAN, IRG, Université Paris-Est Créteil. Marc BIDAN, LEMNA, Nantes Université.
Rémi BOURGUIGNON, IRG, Université Paris-Est Créteil. Claire EDEY GAMASSOU, IRG, Université Paris-Est Créteil.
Aurélie DUDÉZERT, LITEM, Institut Mines Telecom Business School. Olivier GERMAIN, ESG Université du Québec à Montréal.
Amaury GRIMAND, LEMNA, Nantes Université. Ève LAMENDOUR, EOLE, Université de la Rochelle.
Magalie MALHERBE, NIMEC, Université de Caen Normandie. Virginie MARTIN, KEDGE BS.
Régis MARTINEAU, CEREFIGE, ICN Business School. Paul MULLER, BETA, Université de Lorraine.
Gilles PACHÉ, CERGAM, Aix-Marseille Universit.
Stéphan PEZÉ, TSM Research, Université Toulouse 1 Capitole. Émilie RUIZ, IREGE, Université Savoie Mont Blanc.
Albéric TELLIER, M-Lab/DRM, Université Paris-Dauphine.
Date limite d’envoi des projets de communication : 15 juillet 2025.
Les projets de communications sont à envoyer à : legoff@u-pec.fr Fichier respectant impérativement les consignes éditoriales (cf. infra)
Editeurs invités : Emmanuel Touzé et Pauline Lenesley
Date limite de soumission des articles : le 31 Octobre 2024
L’intégration des professions paramédicales au sein des structures universitaires représente une transformation profonde tant pour les institutions d’enseignement que pour le secteur de la santé. Cette évolution, désignée sous le terme d’universitarisation, soulève d’importantes questions relatives aux comportements organisationnels, aux dynamiques de groupe, à l’identité professionnelle, et à la culture institutionnelle (Le Bouler & Lenesley, 2021).
D’après Bourdoncle (2007, 11), « il y a universitarisation lorsque les institutions de transmission des savoirs d’un secteur professionnel, ces savoirs eux-mêmes et les formateurs qui les transmettent se trouvent en quelque sorte absorbés par l’université ». Ce phénomène initialement décrit pour la formation des enseignants depuis 20 ans, en lien avec la création des instituts universitaires professionnels, puis des IUFM, puis des INSPE (Ade, Piot, 2018), se retrouve aussi dans les professions paramédicales (Perez-Roux, 2019).
Le passage à une formation universitaire pour les professions paramédicales modifie les attentes, les normes et les pratiques au sein des établissements de soins (Ministère des Solidarités et de la Santé, 2018). Cette transition peut influencer la perception de l’identité professionnelle parmi les paramédicaux, affectant leur engagement, leur motivation et, ultimement, la qualité des soins prodigués. Il devient crucial d’examiner comment ces professionnels négocient leur place dans un paysage éducatif et clinique en mutation, et comment cela se répercute sur leur intégration et leur collaboration au sein des équipes de soins.
L’universitarisation pose aussi des défis organisationnels, notamment en termes de gestion du changement (Merdinger-Rumpler & Nobre, 2011). Pour y répondre, les organisations de santé sont appelées à revisiter leurs méthodes de recrutement et de formation afin de garantir l’apprentissage et l’innovation (Parent & Bareil, 2014). L’ère post-pandémique, avec son orientation vers le travail hybride, accentue l’importance d’adapter les pratiques de gestion au changement (Johnson, 2021). Cela implique une collaboration plus inclusive et sécurisée, cruciale pour naviguer dans les défis structuraux et comportementaux au sein des organisations. Analyser ces processus permettrait de saisir comment les modifications structurelles affectent le comportement au sein des organisations, et inversement.
En outre, l’innovation pédagogique s’entendant ici au sens de Cros (1997, 2017), c’est-à-dire du point de vue des acteurs, dans un établissement donné, un contexte spécifique, et une période particulière, révèle régulièrement des tensions entre universitarisation et professionnalisation (Ade & Piot, 2018). Les acteurs s’accommodent des nouvelles conditions dues aux transformations induites et révisent ainsi leurs pratiques professionnelles de formateurs, d’évaluateurs, au service de la professionnalisation des apprenants et de la profession (Wittorski, 2019). La constitution récente des sections disciplinaires des sciences infirmières, de la rééducation/ réadaptation telles qu’elles sont respectivement homologuées en France au sein des sections 92 et 91 du Conseil national des universités ravive notamment la place de la recherche, de son enseignement et de son intégration au sein de la formation paramédicale universitaire. Cela soulève des questions sur l’évolution des compétences professionnelles et des pratiques de soins. En effet s’inscrire dans une démarche évidence base practice (EBP) (Sackett & al., 1996), à la fois basée sur les données probantes, sur l’expérience du professionnel et les préférences du patient, dans un contexte ecobiopsychosical, demande un temps d’acculturation et une modification des regards portées sur le soin et sur les pratiques professionnelles effectivement réalisées.
Il s’agira donc de prêter une attention toute particulière aux contributions qui viseront à éclairer comment les approches pédagogiques influencent non seulement l’apprentissage individuel (Guyet &Saillot, 2024) mais aussi la manière dont les professionnels interagissent au sein des équipes, impactant ainsi la dynamique organisationnelle et la prestation de services (Pinsault, 2020).
Cette intégration universitaire des formation paramédicales va aussi agir sur la transformation des équipes enseignantes et donc des modalités de transmission de la culture professionnelle comme le souligne le Rapport IGAS IGESR de mars 2024 « Ressources humaines et statuts des encadrants et enseignants-chercheurs dans les formations paramédicales universitarisées ». Ce rapport formule notamment dans sa recommandation 24 : « Construire un dispositif national et régional d’accompagnement des directeurs et formateurs dans l’intégration pédagogique à l’université par de nouvelles organisations des équipes et une complémentarité des missions entre expertises en soin, enseignement et recherche ».
Les contributions s’appuieront sur des approches méthodologiques mixtes, combinant l’analyse de données quantitatives sur les impacts mesurables de l’universitarisation (tels que taux de réussite, satisfaction professionnelle, efficacité des soins) et des études qualitatives comprenant des entretiens et des observations (de Saint-André, Montésinos-Gelet & Morin, 2010 ; Albero & Thievenaz, 2022). Cette diversité des approches méthodologiques est essentielle pour rendre compte de la complexité des changements en cours, en fournissant une vue d’ensemble riche et nuancée des répercussions de l’universitarisation sur les comportements organisationnels au sein des organisations de santé.
En définitive, les contributions attendues devront prendre en compte le point de vue des organisations de la santé et/ou des universités. Elles chercheront à repérer les conséquences de l’universitarisation sur les structures de santé (hospitalières ou de territoire), les lieux d’exercice, la tension profession-métier, les compétences professionnelles et les savoirs théoriques, ainsi que les répercussions sur le fonctionnement et l’organisation des Universités.
Plus particulièrement, elles aborderont la question cruciale de l’identité professionnelle des acteurs impliqués. L’universitarisation, en déplaçant les frontières traditionnelles entre formation professionnelle et académique, pose des défis en termes de reconnaissance des métiers paramédicaux. Ces professionnels sont souvent confrontés à un besoin de « validation » et de valorisation de leur expertise à la fois dans les milieux cliniques et académiques, ce qui peut redéfinir leur sentiment d’appartenance et leur engagement envers leur profession.
L’expérimentation des nouvelles méthodologies pédagogiques et l’intégration de la recherche dans les cursus doivent être évaluées pour assurer qu’elles répondent non seulement aux standards académiques mais aussi aux exigences concrètes des environnements de soins de santé. La cohérence de l’offre de formation, devant s’aligner avec les besoins évolutifs du secteur de la santé, nécessite une collaboration étroite entre établissements universitaires et institutions de soins. Cela garantit que les programmes de formation restent pertinents et adaptés aux défis contemporains de la santé, tout en préparant efficacement les étudiants à des carrières réussies et satisfaisantes dans les métiers paramédicaux. Ces discussions contribueront significativement à la compréhension et à la mise en œuvre de stratégies efficaces pour une universitarisation réussie qui bénéficie à tous les acteurs impliqués.
Les questions qui pourront être étudiées seront donc liées aux approches suivantes :
La soumission fera l’objet d’une double évaluation de deux membres anonymes du comité scientifique.
Les papiers doivent être transmis au format word (.doc, .docx) et envoyés à l’adresse suivante :
pauline.lenesley@unicaen.fr & emmanuel.touze@unicaen.fr
Emmanuel Touzé
Professeur des Universités – PH
Doyen de l’UFR Santé
UFR santé, Université de Caen Normandie
emmanuel.touze@unicaen.fr
Pauline Lenesley
Maître de conférences,
UFR santé, Université de Caen Normandie
Nimec UR 969
La date limite de soumission des articles de recherche : 31 octobre 2024
La notification d’acceptation/révision des articles : 30 novembre 2024
La date de soumission des articles révisés : 15 janvier 2025
La notification d’acceptation de la version finale : 15 février 2025
Le numéro spécial est prévu pour publication au plus tard : février 2025
Yann Bourgueil, professeur santé publique, membre chaire santé Science Politique
Marie Cousineau, maitre de conférence en sciences de gestion – université de Rouen NIMEC EA 969
Sébastien Delescluse, médecin de santé publique, DGA ARS Normandie
Michael Eveno, Maître de conférences associé Université d’Evry Paris Saclay – IUT d’Evry – Département GEA, consultant formateur
Cécile Godé, professeur agrégé en sciences de gestion, Aix Marseille université, Laboratoire CERGAM UR4225
Delphine Guyet , Maître de conférences associé en sciences de l’éducation , UFR santé, Université de Caen Normandie, Cirnef EA7454
Marouane Jaouat , Enseignant chercheur en sociologie, Université de Caen Normandie, CERREV UR 3918
Stéphane Lebouler, Economiste, Président du think tank Lisa
Sylvie Pezeril, directrice des instituts de formation paramédicaux du CHU de Caen
Eric Sailliot, professeur en sciences de l’éducation – université de Rouen CIRNEF EA7454
Le manuscrit complet ne doit pas excéder 5 000 à 8 000 mots (tout inclus). Le texte doit être présenté en interligne simple, et utiliser la police Times 12. Les titres et les sous-titres doivent utiliser la numérotation décimale (1., 1.1., 1.1.1.). Les pages doivent être numérotées.
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Le texte soumis doit inclure une page de titre, qui comporte les informations suivantes :
– Titre
– Nom des auteurs et affiliations
– Adresse permanente
Résumé/Abstract
– Un résumé et un abstract de 400 mots maximum doivent être proposés.
– 3 à 6 mots-clés doivent être proposés.
Références bibliographiques
Les références dans le corps du texte doivent être présentées entre parenthèses, par nom d’auteur, suivi de la date de publication par exemple (Mick et Morlock, 2008). Si plusieurs références du même auteur sont citées, mettre en premier les références les plus anciennes. A la fin de l’article, les références citées dans le corps du texte doivent être listées (sans numérotation) par ordre alphabétique des auteurs. Pour les références ayant plus de 4 auteurs, utiliser la forme Mick et al.. Si plusieurs références ont le même auteur et la même date, utiliser les lettres « a, b,… » placées après la date pour les distinguer, par exemple (Mick, 2001a). Merci de respecter le format de citation suivant :
– Article de revue : POLLITT C. (2001), « Convergence : The Useful Myth ? », Public Administration, Vol. 79, n° 4, p. 933-947.
– Ouvrage: GALBRAITH J.-K. (2008), The Predator State, Free Press, New York.
Annexes
Le document ne doit comporter aucune annexe. Les schémas, tableaux et figures jugés essentiels doivent être inclus dans le corps du texte.