L’interprétation des standards en situation extrême : le pouvoir fait-il la différence?

NIZET Jean

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Résumé

Cet article s’interroge sur le rôle que jouent les standards dans la coordination du travail en situation extrême. La pensée organisationnelle classique nous a habitués à préconiser, dans ce type de situation, l’adoption de pratiques informelles, reposant sur des relations interpersonnelles entre acteurs. Diverses recherches empiriques montrent cependant que, même en contexte incertain et complexe, des pratiques formalisées, se référant notamment à des standards, ont toute leur place et leur pertinence. Notre contribution s’inscrit dans cette perspective en explorant les standards à l’oeuvre dans les pratiques de coordination en situation extrême. Nous montrons d’abord que ces standards sont d’origine et de nature diverse, ce qui leur donne des rôles différents. Nous précisons ensuite que le travail interprétatif qu’ils permettent est sans doute très largement dépendant du système de pouvoir dans lequel ils s’inscrivent. A partir de deux études de cas – l’une dans le cadre d’opérations aériennes de l’OTAN en Afghanistan et l’autre au sein d’un service de néonatologie universitaire, d’autre part – nous développons et discutons la thèse centrale de l’article selon laquelle le caractère plus ou moins structurant des standards mobilisés face aux situations extrêmes est étroitement lié aux rapports de pouvoir observables dans chaque cas particulier.

Abstract

This paper questions the role of standards in work coordination when facing extreme situations. The classical way of thinking in the organizational theory pleads for the adoption, in such situations, of informal practices based on interpersonal relations between the different actors. Various empirical researches however highlight that, even in uncertain and complex contexts, formalized practices, namely referring to standards, play a crucial role and may be entirely relevant. Our contribution clearly prolongs this perspective by exploring the use of standards in extreme situations as coordination practices. We first clarify that these standards may be of different origin and nature, which gives them different roles. We then consider that the interpretative work they allow probably depends on the power system in which they are inserted. Two case studies – one concerning NATO air force operations in Afghanistan and the other occurring in a university neonatology unit – help us to develop and discuss the central thesis of this paper: the more or less structuring influence of standards in extreme situations is narrowly linked to the power relationships that may be observed in each particular case.